Dans « le bégaiement de l’histoire » la nouvelle exposition du Jeu de Paume situé Place de la Concorde, Thomas Demand, artiste Franco-Allemand revisite les lieux de vie, les scènes de drame ou les moments historiques dans des reproductions miniatures – fidèles à sa façon – qu’il photographie en lui donnant un sens nouveau et en nous interrogeant sur la vérité et la société.
Réalisé par le studio Demand, la scénographie est à la fois sobre et inventive avec, partout, des lockers. Trompe l’œil en impression UV sur papier peint intissé, les casiers rythment les 4 volets de l’exposition consacrée aux 30 ans de travail d’un artiste.
Au fil de l’exposition
« Control room » 2011. Dans cette salle de commande à l’ambiance figée qui reproduit Fukushima, l’homme absent est dépassé par la technologie qu’il a créée.
» Je crois qu’il s’agit essentiellement de transformer le monde en maquette, de le refaire en lui ôtant sa part anecdotique. » Thomas Demand
« Zimmer » 1996 la chambre de L.Ron Hubbard, créateur de la Scientologie est la copie d’un cliché de la Chambre d’hôtel dans lequel il vit, réinterprété par l’artiste,. Il révèle ainsi un monde en désordre, creux, vidé de son sens et déconnecté de la vie, sorte de parodie d’un chercheur de vérité en noir et blanc où seuls apparaissent en couleurs les objets du quotidien, un mug jaune, une boite de kleenex vide et une manette rouge.
« Refuge » est une suite de 5 clichés ( 2021) d’une chambre d’hôtel aseptisée à Cheremetievo. C’est le « no man’s land » d’Edward Snowdon lors de sa fuite des USA vers la Russie. Vision neutre, rangée et sans vie d’une période de pagaille extrême dans l’univers bouleversé de ce lanceur d’alerte. Ni prison, ni maison, juste l’oppression d’un temps qui change, les prémices d’une nouvelle vie.
Qui va apparaitre ?
Avec « Gangway » 2001, c’est la question que chacun se pose, les Beatles ou le Pape ? A moins que, dans le story telling que chacun se raconte, cette porte d’avion ouverte avec son escalier soit le clap de fin d’un évènement passé où une foule compacte de journalistes surexcités munis de leurs appareils photos mitraillaient cette célébrité perdue.
« Ruine » ( notre image) nous interroge sur notre rapport aux douleurs de l’humanité, sur la diffusion d’images «ad nauseam» des tragédies dans notre culture de consommation d’images. Nous sommes en Février 2023, quelques jours après les tremblements de terre en Turquie et en Syrie, presque un an après l’Ukraine et ce visuel de 2017 est intemporel.
Lichtung et mère nature
Dans cette fresque monumentale représentant une canopée avec ces rais de lumière, Thomas Demand reproduit une nature idéale grâce à 270 000 feuilles de papiers d’arbres. C’est une vision romantique d’une nature pure immaculée qui n’a jamais existée.
Laissez parler les petits papiers
Lors de sa résidence au Getty Research Institute de Los Angeles en 2011, Thomas Demand choisit de s’intéresser aux maquettes en papier, points de départ créatifs d’artistes comme Azzedine Alaïa ou Henri Matisse. Provocation ou ré écriture de l’histoire à 500 km d’une silicon valley bouillonnante?
Chaque œuvre de l’exposition nous renvoie vers des questionnements sur la société et notre rapport à cette culture d’images qui nous entourent et nous détournent de la réalité.
A près de 60 ans, Thomas Demand traverse le temps et propose depuis plus de 30 ans une revisite du monde sous son regard de photographe. Comme toujours, le Jeu de Paume apporte son regard sur la société.
Au Jeu de Paume jusqu’au 28 Mai 2023, sur la Place de la Concorde.